Appel à communication

Penser et faire la résilience :
Risques et territoires

Jeudi 9 et Vendredi 10 mars 2017
Amphithéâtre de la Présidence de l’UPPA – Pau

 

Appel à communication

Le colloque « Penser et faire la résilience. Risques et territoires » s’inscrit dans la perspective du programme ACTER (Accompagner les Changements vers les Territoires Résilients), réponse à l’appel Risques, Décision, Territoires (RDT) du Ministère de l’Écologie, du Développement Durable et de l’Énergie.

Il s’adresse aussi bien aux chercheurs en sciences humaines et sociales qu’aux professionnels de la gestion des risques et des territoires. L’initiative RDT enjoignait en 2013 la communauté des chercheurs à informer les acteurs opérationnels dans un contexte de risques émergents et marqué par la montée des incertitudes, de l’instabilité, de crises difficiles à anticiper et à maîtriser. La « notion de résilience » et ses « facteurs d’amélioration » apparaissaient comme une réponse possible aux limites répétées des gestions de risques et des territoires pratiquées jusqu’alors… sans parvenir pour autant, dans les faits, à éliminer toutes ces limites.

Entendue largement dans l’appel RDT comme une « capacité à surmonter des situations graves », la résilience est présentée comme un élément supplémentaire du registre de l’action publique, mais aussi du répertoire des initiatives d’acteurs locaux, et des façons d’envisager le risque et le devenir de territoires toujours aux prises avec de multiples changements. Dans le cadre de sa réflexion territoriale sur le bassin de Lacq et sur le massif des Landes, le programme ACTER s’est employé à mettre à l’épreuve la résilience dans sa capacité à restituer les multiples facettes des changements en cours sur ces territoires, les façons dont les risques s’y présentent et dont ils sont pris en charge. Il s’est agi aussi de souligner les effets concrets des injonctions à la résilience et les implications possibles ou recherchées de cette notion pour l’action.

A l’image de la littérature académique désormais pléthorique sur la résilience, ce travail empirique nous amène à réfléchir autour de quatre traits caractéristiques de la notion de résilience pour penser les risques et les territoires.

1) La résilience : une double approche

Sans revenir sur la multiplication des définitions de la résilience ou des cadrages disciplinaires qui participent à son ambigüité, deux approches bien différentes semblent marquer le recours à la notion de résilience.

On relève une entrée plutôt quantitative, fonctionnelle et structurante, basée sur la mécanique du fonctionnement systématique, qui sépare, technicise, rationalise. Cette lecture importée de l’usage dominant en écologie mène à penser dans un cadre mathématique et fonctionnel. Très appropriée pour l’évaluation, le suivi de l’évolution des systèmes sociaux et territoriaux, la production d’indicateurs ou la mesure, cette entrée permet de rechercher des leviers d’action spécifiques, propres à un événement, un lieu ou à un questionnement circonscrit.  

Mais on relève également une entrée plus qualitative et métaphorique, qui se penche moins sur des relations fonctionnelles à calibrer, à mesurer, et plus sur des rapports (sociaux, au milieu) à saisir de manière plus holistique et systémique. Cette entrée de la résilience, moins propice à la quantification, ouvre vers des mécanismes sociaux et politiques plus diffus, des ressorts qui échappent à la mesure. Elle permet de poser les dynamiques territoriales en termes de trajectoire ou d’horizon, et non sur la base d’une simple réduction systématique d’un système.

Les approches dominantes de la résilience semblent donc traversées par une forme de tension entre « l’agir » et le « connaître ».

Peut-on alors évoquer d’une part la résilience (à réaliser) d’une activité, d’un groupe, d’un territoire face à une perturbation ; et d’autre part, la résilience territoriale (à connaître), plus diffuse, qui renvoie aux multiples façons d’occuper l’espace, quelles qu’en soient les circonstances ? La deuxième approche permettrait de mieux comprendre pourquoi il est utile d’agir (pour qui ?) et simultanément pourquoi l’action ne permet pas d’éliminer tout dommage.

2) Le territoire, plurifactoriel et multi-scalaire

Pour l’une comme pour l’autre approche de la résilience, c’est bien de territoires et de risques (à « gérer ») dont il est question. Or, dans le souci opérationnel de mesurer ou de faire la résilience, de façon à « surmonter des situations graves », on retrouve la difficulté majeure de la complexité des territoires, de leurs multiples composantes, et de l’articulation de leurs différentes échelles. Sur le terrain, les porteurs de la décision et de l’action doivent composer avec des problèmes enchevêtrés, inégalement visibles ou légitimes, mais qui opèrent constamment en lien et sur lesquels ils n’ont pas également prise.

Alors que l’idée de résilience tend justement à tisser des liens ou à jeter des ponts entre ces multiples échelles et dimensions, la pratique de la gestion des risques ou des territoires n’échappe pas aux difficultés largement rencontrées dans le passé, dès lors qu’il faut appliquer des connaissances fines et complexes (parfois contradictoires !) sur le terrain.

La résilience permet-elle de mieux identifier, gérer, mais aussi comprendre des obstacles récurrents de la gestion des risques sur le terrain, et notamment la plurifactorialité des risques et la multi-dimensionnalité des territoires ? Permet-elle d’adopter une démarche territoriale, et à quelles conditions ? Ou bien est-elle plus utile dans le cadre restreint d’une activité, d’un secteur particulier, ou dans la perspective d’une perturbation spécifique ?

3) L’irréductibilité du politique : les choix et les arbitrages

Alors que dans la littérature l’usage dominant de la résilience est marqué par l’héritage de l’écologie, le passage aux systèmes sociaux ne se fait pas sans questionnement. La critique de l’instrumentalisation et de l’idéologie que la notion peut charrier n’est pas sans fondement, et bien pointée. Mais l’usage fonctionnel que font certains chercheurs de la résilience se fait souvent en connaissance de cause, et dans un souci pragmatique, afin de permettre à un système de « surmonter des situations graves » : la résilience, ainsi envisagée, donnerait l’impression de ne recouvrir aucune valeur éthique ou politique.

Pour autant, s’agissant des sociétés et des territoires, il est difficile de n’envisager que le fonctionnement nu des systèmes. Dans l’idée d’une trajectoire ou d’un horizon éprouvé par des perturbations, des situations graves, des crises et turbulences de tous ordres, les options du présent relèvent d’un ordre socio-spatial particulier.

Comment décider du périmètre du système pour lequel on va envisager la résilience, ou l’équilibre entre permanence et changement, dans le temps ?  Quel pas de temps considérer ? Qu’est-il bon de conserver (ou pas) et à quel prix ? Sur quelles bases (valeurs, priorités, règlementations) opérer ces choix ? Et surtout à quelles fins ?

4) Entre penser complexe et faire simple, quelles perspectives opérationnelles ?

Pour penser un monde de turbulences avérées et de contradictions exacerbées, marqué par l’incertitude et par la conscience d’une maîtrise souvent prise en défaut, la résilience fait souvent figure de nouveau paradigme parmi les niveaux supérieurs de la décision. Outre des apports heuristiques notables et la philosophie que recouvre le terme, sa volatilité, son ambigüité et les différentes manières de le mobiliser (sans parler de la diversité de ses définitions) n’aident pourtant pas à améliorer clairement et significativement l’action. Ce dernier axe s’intéresse aux résultats concrets de l’application de la résilience sur les territoires, en termes de choix d’aménagement, de peuplement, de biodiversité, etc.

D’une part, la compréhension du monde et de l’incertitude en termes de résilience n’est pas nécessairement unanime, ni partagée. D’autre part, quand bien même la résilience permettrait une compréhension partagée, elle ne déboucherait pas nécessairement sur les mêmes choix ni sur les mêmes actions. Enfin, il reste à démontrer dans quelle mesure la résilience pourrait, en soi, résoudre les tensions entre complexité de la connaissance, et simplicité d’une action rarement unanime. Ces défis récurrents continuent de se poser pour d’autres notions comme le développement durable, l’adaptation, ou même la gestion des risques. Le colloque est donc une occasion de mise en perspective critique de la notion de résilience par rapport à ces notions connexes qui toutes, sans les résoudre, soulèvent les difficultés du rapport au temps et aux changements, à l’environnement et à la pluralité des acteurs sur le territoire.

Ainsi, et compte tenu du fait que la notion de résilience n’est que très peu mobilisée sur le terrain, dans quelle mesure et à quelles conditions permettrait-elle, sinon une amélioration, du moins de faire une différence dans la gestion des risques et des territoires ? Comment peut-elle correspondre, dans la pratique, à des besoins opérationnels dans un monde contemporain, marqué par l’incertitude, l’instabilité et un rapport à l’environnement qui fait question ? Mais aussi, à quelles questions clés ne permet-elle pas de répondre ? Ainsi, de la production de connaissance à la mise en place d’actions concrètes, comment la résilience oriente-t-elle la recherche, et surtout l’action ?

Propositions attendues 

Le Comité Scientifique attend des propositions inspirées par le cadre problématique de cet appel et les quatre points qui en sont tirés. Les propositions, présentant des travaux de recherche ou des expériences de terrain, peuvent venir indifféremment du milieu opérationnel, du milieu académique, ou s’attacher à faire le lien entre les deux.

En fonction des résumés sélectionnés, le colloque sera organisé autour de sessions de communications, de tables-rondes, de conférences, d’ateliers ou de débats.

Parmi les valorisations à envisager sur la base du contenu des propositions et des échanges, les organisateurs pensent notamment à un ouvrage scientifique édité par le Comité Scientifique et à paraître aux PUPPA (Presses universitaires de Pau et des Pays de l’Adour, collection « spatialités »), à un numéro spécial de revue, à des synthèses de débat diffusées sur des sites et médias à destination du secteur opérationnel, ou encore à des vidéos des échanges et discussions à rendre disponibles sur ces mêmes médias.

Contact : Julien REBOTIER : julien.rebotier@cnrs.fr

Personnes connectées : 1 Flux RSS